Strasbourg / Une création au Philharmonique : L'Okhtor de Bertrand
À ce concert du Philharmonique dirigé par Marc Albrecht figurait la création – hélas posthume – d'Okhtor, une partition du Strasbourgeois Christophe Bertrand. Un programme très suivi par le public.
La carrière si prometteuse du compositeur alsacien s’est arrêtée brusquement, comme l’on sait, il y a quelques mois, et la disparition du musicien a laissé sa famille et tous ses amis dans un profond désarroi. La musique de chambre de Christophe Bertrand avait été révélée dès ses années de conservatoire à Strasbourg. Et son œuvre orchestrale, encouragée par Pierre Boulez, avait fait découvrir la somme d’énergie et de virtuosité qui donnait une très forte substance et une magnifique fluidité à sa création.
Okthor, qui est comme un accomplissement de son art, encore qu’il ait laissé plusieurs partitions en préparation, frappe encore une fois par son extrême exigence de virtuosité instrumentale, qui met précisément en valeur la qualité et le génie de son expression orchestrale : le raffinement de cette exécution a été le plus bel hommage que l’orchestre et Marc Albrecht pouvaient rendre à Christophe Bertrand, qui leur avait dédié la partition.
Marc Munch - Dernières Nouvelles d’Alsace, février 2011
Il y a toujours lieu de se réjouir de l'éclosion d'un nouveau talent. La naissance d'un compositeur ne relève cependant pas de la génération spontanée, ni ne se décrète. Il ne suffit pas de coucher sur le papier à musique ce qu'on a envie d'exprimer... Christophe Bertrand a entamé tôt son cursus de formation du musicien, et possède un solide bagage en piano, musique de chambre et écriture. Pour la composition, au stade où il est à ce moment, Christophe Bertrand a encore toute la fraîcheur, mais pas naïve du tout, de l'invention ; mais il a déjà aussi un vrai sens de la forme, et de l'expression donc de sa pensée artistique. Dans le langage qu'il utilise, on pourrait reconnaître quelques recettes, fedéliennes sans doute, dans Arcanes, pour flûte, par exemple ; ou, pour les cordes, des amorces souvent en frottements autour d'une note. Mais le trio Treis est équilibré, la voix, dans Strofa II, est bien traitée, La chute du rouge proportionne ses composantes, et sait intelligemment bâtir ses contrastes de mouvement et d'atmosphère. La musique est bien dans sa forme, à l'image d'un jeune compositeur bien dans ses baskets et dans sa peau.
Dans Skiaï, déjà, le piano, avec le compositeur au clavier, lance des envolées auxquelles ses partenaires donnent la réplique avec art et enthousiasme. Le flûtiste Olivier Class, la soprano Aline Metzinger, les clarinettistes Jérôme Salier et Nicolas Freund, les violonistes Laura Rajanen et Rosalie Adolf, le violoncelliste Godefroy Vujicic, la pianiste Anne-Cécile Litolf et Édith Le Rôle au vibraphone : belle équipe d'amis pour entourer le compositeur et donner vie à sa musique, en la faisant jaillir de source. Christophe Bertrand vient d'être sélectionné par l'Ircam à Paris -son directeur Laurent Bayle, par ailleurs directeur-fondateur de Musica en 1983, était présent à cette audition- pour le cursus annuel de composition et d'informatique musicale. On ne peut que souhaiter à Christophe Bertrand de préserver demain dans sa carrière toutes les qualités qu'il manifeste dans ses premiers opus.wbr> [Marc Munch, Dernières Nouvelles d'Alsace, 11 octobre 2000]