Hommage

»   Marie-Claude Segard - Accent4

Beaucoup d'émotions à l'annonce de la disparition brutale de Christophe Bertrand, le 17 septembre dernier Accent 4 l'avait reçu régulièrement lors des Opus Café et ses commentaires, ses refus suscitaient le questionnement. Mme Catherine Trautmann, vice-président de la Communauté urbaine de Strasbourg et député européen, « s'est associée à distance à I'hommage qu'Accent 4 lui a rendu le 4 octobre ». Mme Marie-Claude Segard, directeur du Conservatoire de Strasbourg, a accepté, à notre demande, de rédiger les lignes ci-dessous et nous l'en remercions très chaleureusement.

C’est en 1991, I'année de ma nomination à la tête du conservatoire de Strasbourg, que Christophe Bertrand, alors âgé de dix ans, y entre pour étudier d'abord le piano. J'entends encore Odile Charvet, professeur d'écriture, me dire quelques années plus tard, sur un ton à la fois admiratif, étonné et confidentiel : « Vous devriez regarder de près les pièces que compose Christophe ». II n'avait à l'époque reçu encore aucune formation en écriture ni en composition. J'eus évidemment le même choc qu'elle : d'abord incrédule, j'ai vite compris qe Christophe était hors normes et que son inspiration venait d'ailleurs.

Il n'avait que seize ans lorsqu'il a terminé sa vraie première pièce, Trois arcanes pour flûte, seule composée avec et pour son ami de toujours, le flûtiste Olivier Class, également élève du conservatoire à cette époque. La même année, nous avons crée Les Editions du Conservatoire de Strasbourg et nous avons édite cette pièce, la première du catalogue. Tout le monde connaît la suite : un parcours de compositeur sans faute, sans faille, reconnu et honoré. Mais il y a aussi le pianiste, dont la singularité du jeu s'est affirmée en même temps que sa personnalité de compositeur : un son massif et puissant, comme celui d'un orchestre qu'il aurait façonné sous nos yeux, influencé par l'énergie « rock » des musiques qu'il entendait par ailleurs. Cela m'a toujours fascinée, il le savait, et ses professeurs de piano successifs ont su le préserver Christophe est toujours resté fidèle au conservatoire et à ses enseignants. II venait me voir de temps en temps : nous avions alors de longues conversations, sans tabou. II avait une face sombre, noire, qui l'attirait vers le néant, et une face lumineuse, créatrice, qui le rendait rayonnant. Son départ prématuré ne m'a pas étonnée : il a rejoint le panthéon des artistes de grand talent qui, malgré leur courte vie, ont laissé une trace indélébile.
Son oeuvre, d'une richesse, d'une maturité et d'une vitalité incroyables, prend désormais le relais de l'homme qui ne pouvait plus vivre. Notre relation, fondée sur un respect et une affection mutuels, était à la fois sérieuse et légère. Christophe m'aura ainsi accompagnée durant presque toute ma carrière à Strasbourg. II restera l'emblème de la modernité du conservatoire et l'objet de sa fierté.

Marie-Claude Segard - Accent4

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2006-2011 - © Christophe Bertrand & Gilles Pouëssel