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Musique de chambre Oeuvres

Treis

(2000) – 10′

violon – violoncelle – piano

Treis

Treis

Les quatre courts mouvements de Treis (dont la durée est comprise entre 1’30 et 3’30) développent chacun un nombre réduit d’aspects compositionnels précis, assez simples et aisément identifiables, reliés par des champs harmoniques communs ou dérivés, toujours clairement reconnaissables, qui assurent l’unité de l’ensemble.

Le premier mouvement, dolce, sensuale e sempre più agitato, consiste en un canon à quatre voix distribuées aux cordes, longues tenues très soutenues, s’échappant souvent par des déviations microtonales et de minuscules glissandi ; chaque entrée du canon ainsi défini est marquée par un arpège spécifique. Les deux champs harmoniques principaux entrent progressivement en osmose, suivant un processus graduel de densification dynamique et rythmique, ainsi qu’une dislocation de la continuité du canon par l’émergence d’éléments disparates et plus événementiels (gettato, arpèges, trémolos, pizzicati, etc.)

Le deuxième mouvement, indiqué calmo e con dolcezza, énonce sous de denses tenues des cordes sans cesse mouvantes, un canon rythmique réparti entre les deux mains du pianiste et brouillé par l’emploi des pédales et les petites notes hors-champ. Par glissement, l’harmonie évolue peu à peu vers un accord chargé d’énergie : la fébrilité jusqu’alors contenue parvient enfin à émerger, et permet à la virtuosité d’éclater dans le mouvement suivant.

Cette troisième partie, deciso e virtuoso, confère un rôle de soliste au pianiste, dans le sens classique du terme, c’est-à-dire par le côté « démonstratif » de la virtuosité ; les cordes, elles, ont ici un rôle de miroir déformant : elles prolongent les attaques du piano et les dévient par glissement microtonal, par l’effet de gettato, par l’écrasement de l’archet ou par le brusque crescendo sur une note harmonique. Les deux champs harmoniques principaux s’opposent : arpèges/notes répétées, éclatement/polarisation, nuances fortes/nuances faibles, l’un domine, l’autre est dominé ; puis progressivement les rôles vont s’inverser, et ce jusqu’à la fin d’une brève cadence du piano, aboutissant sur un passage très rythmique, sorte d’ostinato nerveux, à la mécanique désarticulée, confié au violon et au piano : le violon agit ici comme un delay, alors que le violoncelle s’isole subitement, s’énerve sur un ostinato indiqué ffff, ferocissimo, joue sans se soucier de ses partenaires.

Une note harmonique, et le trio s’envole vers les aigus : le dernier mouvement, presto elettrico, se veut être une hypnotique gravitation autour d’un nombre réduit de pôles sonores (tel un bisbigliando écrit très précisément, il est demandé aux musiciens d’alterner à une vitesse vertigineuse une même note sur plusieurs cordes, entourée de quarts de tons et d’harmoniques), qui achève l’oeuvre dans un caractère haletant, quasi stroboscopique et finalement presque extatique. Une discrète citation littéraire (Une saison en enfer de Rimbaud) résume assez bien ce finale : « Tais-toi, mais tais-toi!… Assez!… »