La chute du rouge
La chute du rouge, pièce composée en 2000, puise son organisation formelle dans le modèle du tanka japonais (aba/bb) : de celui-ci découle une imbrication de plusieurs symétries (axiales ou centrales) tant dans la forme globale, que dans l’évolution dynamique, les variations de vitesse ou encore la densité harmonique ; à A correspond une amplification des paramètres jusqu’à la saturation, à B l’inverse, c’est-à-dire à un décroissement de cette densité. Cette composition trouve son inspiration dans la toile éponyme du peintre Philippe Cognée, dans laquelle la matière semble animée d’une effervescence interne, grâce à l’épaisseur des touches picurales et à l’intensité du rouge dominant. C’est cet aspect d’agitation de l’intérieur, qui est à la base des différentes sections.
La première partie débute sur une longue plage très lente où les différents effets des instruments, les déviations presque insaisissables d’un même son (Sib) créent une animation constante (battements, vibratos, trémolos, etc.) aboutissant sur une accélération au champ harmonique composé de trois notes amenant une première saturation, sauvage et chaotique. Subitement, un nouveau champ harmonique fait son apparition, au caractère évanescent et impalpable, chatoiement d’harmoniques et murmures laissant peu à peu la place à une brève cadence qui consiste en un immense et implacable crescendo : un nouveau climax est atteint, qui s’érode peu à peu en un passage très rythmique, graduellement « ramolli », plus lent et plus tranquille. Un accord cristallin basé sur les harmoniques de la note Mi (utilisée en ostinato dans la section précédente) amène une cadence de clarinette, court intermède reprenant comme une synthèse les champs harmoniques développés jusqu’ici. Plus calme est le passage suivant, miroir de l’introduction : mais cette fois-ci, le Sib est projeté dans l’espace, il n’est plus polarisé dans un même registre ; un point distingue cette plage du commencement : des notes répétées accentuent l’agitation interne du son, et d’elles surgit un ostinato très rythmique allant crescendo, progressivement plus féroce, évoluant dans toutes les directions par l’apparition d’arpèges et de clusters ; jaillit alors une quinte qui se brouille pour évoluer vers un trille après un bref passage par le cluster. Le trille, telles les Métamorphoses d’Escher, se transforme graduellement en un accord aux couleurs diatoniques, qui en disparaissant dans une courte coda, permet à la pièce de retourner au silence qu’elle avait quitté durant onze minutes.